Animation biblique de toute la pastorale et avènement du corps promis1

Réalisation de la parole et mystère du corps.

Prendre en compte l’orientation de l’exhortation Verbum Domini, qui préconise l’animation biblique de toute la pastorale, amène à se placer dans la perspective du verbe fait chair, et de l’avènement du corps du Christ, comme terme de l’accomplissement de la Parole. Or le premier chapitre de l’Évangile de Luc tisse ensemble de manière fort charnelle et fort spirituelle le parcours de deux naissances annoncées avec une belle autorité par un ange. L’une est fortement improbable. L’autre carrément impossible, à l’homme, s’entend, car rien n’est impossible à Dieu. Elisabeth, est avancée en âge tout comme son mari Zacharie, et de surcroît réputée stérile. Marie est jeune et promise à Joseph, mais elle est vierge. Jean-Baptiste, qui naîtra du premier couple sera appelé prophète du Très haut. Jésus, qui naîtra de Marie sera appelé Fils du Très haut, Fils de Dieu.

Or le récit va mettre en présence les deux futures mamans, en une rencontre qui manifeste de façon particulièrement forte l’importance de la parole en tant qu’elle appelle à la naissance, dès le sein maternel. Ce récit est communément nommé la visitation de Marie à Elisabeth2. Sa lecture nous place au point de départ de la pastoralechrétienne puisqu’il s’agit du premier effet dans des corps de la réception par la foi du verbe fait chair. Heureuse celle qui a cru à la réalisation des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. La rencontre entre ces deux femmes enceintes (bien que différemment) de la parole s’accompagne d’effets décisifs. Elle va permettre à l’une comme à l’autre de parler de façon inédite. Elisabeth sort du brouillard de l’incompréhension ainsi que de toute inhibition. Et Marie laisse éclater sa jubilation, son action de grâce. Elle reconnait l’originalité et la portée à long terme de ce qui se passe en elle. Elle prend à son compte les annonces du premier testament dont son cantique est visiblement inspiré et se projette dans l’avenir : Le puissant a fait pour moi des merveilles … toutes les générations me diront bienheureuse. On peut remarquer à quel point l’expérience de ces deux mères en puissance éveille en elle une parole propre, inédite. Si bien qu’on peut les dire à juste titre sujet de la parole. Elle sont aussi plus que cela :sujet à la parole, au sens où la parole accomplit en elles, en chacune à sa manière, un parcours qui sauve. Un lien absolument nouveau se tisse entre elles, de par les enfants qu’elles portent et la parole qui les traverse. Ce qu’elles vivent peut être interprété comme une première expérience du lien qui articulera les membres du corps du Christ. Oui, elles sont une préfiguration de l’Eglise.

Ce sentiment n’est pas nouveau, que les êtres n’attendent pas d’être nés pour réagir à la parole et donner une joie immense à leur mère en leur grossesse. Et cette joie se communique autour d’elles quand elles expriment ce qu’elles perçoivent de la vie en heureuse gestation. Mais dans notre texte il ne s’agit pas seulement de cela. D’ailleurs Elisabeth reconnaît la radicale différence entre ce qui se passe en Marie et en elle. C’est la singularité de l’enfant qui naît en Marie : « comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne à moi3 ». C’est une affaire de naissance, et pas seulement de naissance ordinaire, mais cela va pouvoir s’entendre à partir de toute naissance « ordinaire ». Il y est question de l’avènement d’un corps, celui du Verbe qui se fait chair, qui porte dès sa conception un pouvoir d’éveiller dans les corps la chair endormie en attente de son Seigneur4.

L’effet de parole en cause est moins effet de sens que de naissance, et cela ne fait que commencer. Nous sommes en effet au début de l’Evangile. A la fin du même Evangile de Luc, après sa résurrection d’entre les morts, Jésus reviendra sur sa propre parole et l’accomplissement des Écritures. Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais avec vous : il faut que s’accomplisse (plérôme) tout ce qui a été dit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures et il leur dit : « c’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour. Et en son nom sera proclamée à toutes les nations la conversion pour la rémission des péchés, à commencer par Jérusalem. Vous en êtes les témoins. Le quatrième Evangile poursuivra. Quand j’aurai été élevé au ciel j’attirerai tout à moi. Quelle est cette attraction vers un corps… dont on ne sait rien sinon qu’il advient par la Pâque de Jésus, et avec elle par la chute de toutes nos représentations du monde et de la vie. En même temps les croyants expérimentent que l’annonce de l’avènement de ce corps peut éveiller en eux, non pas le sentiment orgueilleux d’estimer qu’ils en sont la manifestation dernière, mais un immense désir d’advenir comme membres de ce corps, désir que la prière de l’Eglise encourage : Humblement nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps5.

Sujet à la parole en vue de quel corps ?

Ainsi il ne s’agit pas seulement de parler sous l’inspiration d’une parole qui nous précède et vient d’ailleurs, d’advenir ainsi comme sujet de la parole, et de faire l’expérience d’un lien nouveau. Encore convient-il d’entendre ce que cette parole continue d’annoncer en toute chair et dont la réalisation ne fait que commencer. On pourrait dire qu’il convient d’être sujet à la parole, assujetti à ce qu’elle ne cesse d’annoncer chaque jour : l’avènement du corps promis. Mais de quel corps s’agit-il ? Pour ma part j’évite désormais de parler ici de corps social. En effet cette expression renvoie à l’expérience de liens entre corps organiques vivant en un espace de relations limité et en un temps donné : par exemple à une nation et à ses institutions, à un peuple et à sa culture, à un clan et à ses coutumes, à une famille et à ses valeurs. Or le corps dont il est question avec le Christ – et qui va advenir par l’annonce de la mort et de la résurrection du Seigneur et sa réception dans la foi – est d’un autre ordre. Autant la génération du Christ est différente de notre génération selon la chair autant ce corps ne se confond pas avec le corps social, même profondément renouvelé. Le corps du Christ promis n’est ni une restauration ni même un profond renouvellement du corps social, comme le désiraient les disciples au lendemain de la résurrection6. Tissé de liens provisoires le corps social est voué à la mort comme nos corps organiques. Le corps promis est au-delà de tout savoir et de toute représentation. Certes l’Eglise prend à chaque époque et en chaque lieu forme d’un ensemble social comparable à d’autres. Mais quand il s’agit de l’Eglise corps du Christ, c’est de son mystère dont on parle, c’est de l’Eglise comme convocation répondant à l’attraction du Christ, et cela ne saurait être limité à son actualisation dans un espace et un temps donné. Il convient de maintenir la distance entre le mystère de l’Eglise et sa visibilité sociale en un lieu, non comme dichotomie entretenue, mais comme une division comparable à celle du sujet en psychanalyse : division entre l’imaginaire du ‘moi’ et l’impossible du ‘je’. Cette division n’est pas mensonge : ce qui serait mensonge consisterait à ne pas reconnaître la division : prétendre réaliser en soi même le mystère de l’Eglise et le donner à voir (position de type pharisien). La prétention à être signe ou unité de sens me semble du même ordre. Ainsi des chrétiens rassemblés dans une église pour rendre un culte à Dieu ne coïncident-ils pas avec le mystère de l’Eglise. Il convient de maintenir la distance entre ce qu’ils donnent à voir d’eux-mêmes en leurs corps périssables et ce qui doit se révéler en eux. Cette distance est bien le lieu où se poursuit le travail de création. A l’horizon de la lecture de la Bible il n’y a désormais d’autre corps que celui, véritable énigme, du Christ en train d’advenir7. Un autre texte biblique paraît incontournable pour aborder la ‘pastorale’, puisque ce terme en provient. C’est, dans l’Evangile de Jean, le chapitre 10, l’épisode du Bon Pasteur. Mais avant d’y venir, il est temps de nous demander de quoi nous parlons en usant de ce terme de pastorale.

Représentations de la pastorale

Les humains ne savent faire autrement que tenter d’organiser la vie sociale en général (et la vie de l’Eglise entre autres) en distinguant des champs propres en vue de tâches diversifiées, menées par des acteurs spécialisés, en direction de catégories de personnes déterminées, pour répondre à leurs besoins, parmi lesquels celui de vivre ensemble. Tout cela suppose une définition de besoins, des projets en conséquence, l’acquisition de compétences pour les mettre en œuvre, l’affrontement de divers obstacles, l’évaluation des résultats et la reprise de l’ensemble du parcours. On peut ainsi se demander quel est le champ propre de la pastorale, quels en sont les acteurs, les modes de fonctionnement. On pourra alors, au vu de besoins repérés, définir un projet pastoral assorti de divers objectifs adaptés à la variété des situations. Le langage courant en Eglise, les organigrammes des diocèses, paroisses, mouvements, communautés, en fournissent de nombreux exemples. La manière de classer les acteurs ainsi que les ‘sous-champs’ de la pastorale, donne à penser8. L’usage est de distinguer parmi les responsables d’Eglise les pasteurs des docteurs, parmi ses membres les pasteurs du troupeau ou des fidèles. On distingue également divers champs particuliers relevant de la pastorale en fonction de leur objet (pastorale catéchétique, sacramentelle, biblique…), de leur « clientèle » (pastorale des jeunes, des gens du voyage, de la santé, des personnes handicapées…). On considère généralement comme pastorale ordinaire l’ensemble des services et activités, célébrations assurés en un espace géographique limité, sous la responsabilité d’un curé, souvent accompagné d’un conseil pastoral, d’une équipe d’animation pastorale. Les services et activités correspondants vont de l’accueil de toute personne pour des entretiens, la préparation et la célébration de baptêmes, mariages, obsèques, à la catéchèse des enfants, et les activités auprès des jeunes, en passant par les mouvements et les groupes de spiritualité, les organismes caritatifs, en accordant une place centrale à la célébration de l’eucharistie, et, parfois, à la lecture biblique. Elle se réalise en un lieu déterminé appelé paroisse (souvent maintenant secteur pastoral) et n’exclut aucune catégorie de personnes de son activité. On distingue de cette pastorale ordinaire, des pastorales spécialisées, en direction de communautés, de services, de mouvements particuliers. Par exemple les pastorales rurale, ouvrière, du monde indépendant (assurées en certains lieux par des mouvements d’action catholique), mais aussi celles de la santé, du tourisme…9. Généralement chaque pastorale particulière a un rapport à la Bible particulier10. La pastorale diocésaine coiffe l’ensemble dans cet espace qu’est le diocèse et en lequel l’Eglise est réputée se réaliser, sous l’impulsion de l’évêque assisté de ses conseils et collaborateurs.

Le sémioticien aura tôt fait de le subodorer : un tel classement, une telle organisation favorisent une représentation avant tout ‘narrative’ de la pastorale.La performance principale visée serait la propagation de la foi : son acquisition par le plus grand nombre et son augmentation en tous, sa manifestation dans une pratique liturgique, dans des conduites estimées cohérentes avec cette foi. La foi serait alors un objet valeur. Il s’agirait d’adhérer à un message. Un programme d’évangélisation serait mis en œuvre pour y parvenir, nécessitant le vouloir faire et le devoir faire de personnes appelées et répondant à l’appel : prêtres, laïcs, (manipulation). Leur formation théorique et pratique assurerait leur compétence. Le programme principal d’évangélisation serait assorti de programmes d’usage variés en direction de personnes, groupes, cultures, divers. Différents obstacles s’opposeraient à l’opération (contre programmes) et de leur affrontement dépendrait la réussite – ou non – du programme principal d’évangélisation. L’évaluation (sanction) du parcours permettrait de reconnaître les états transformés : la progression de l’évangile et aussi les pertes, échecs ou difficultés. Toutes choses dont on tiendrait compte pour une nouvelle évangélisation moyennant l’adoption de programmes d’usage renouvelés.

Or la Bible n’encourage pas à penser la pastorale en de tels termes. Pour peu qu’elle soit lue, elle ne manque pas une occasion de déconstruire les représentations des lecteurs. C’est probablement une de ses fonctions premières : faire chuter les représentations imaginaires qui n’ont d’autre perspective que le profit du corps organique, individuel ou social, pour ouvrir le champ à l’avènement du corps promis.

La pastorale comme figure11

La pastorale occupe dans la Bible une place capitale, non comme programme narratif mais comme figure12. Les textes bibliques brouillent les repères habituels en ce qu’il est convenu d’appeler l’action pastorale. Dès le premier testament les pasteurs sont vivement critiqués et convaincus d’incapacité. Pas plus que la royauté, la pastorale ne parvient à réaliser une performance de type narratif. Mais étonnamment ce n’est pas cela que le Seigneur reproche aux pasteurs. La Bible présente une suite de tentatives, d’échecs, et de relèvements provisoires, laissant cependant la trace d’une attente persistante. Et le Seigneur Dieu, (acteur au nom imprononçable, à part, saint), laisse entendre qu’il viendra lui-même paître son troupeau13. Dans l’Evangile de Jean la figure pastorale prend toute sa dimension. Jésus y est présenté commel’unique pasteur, dont les brebis reconnaissent la voix pour le suivre, aller et venir. On pourrait espérer de lui qu’il soit le sujet opérateur qui réalise enfin de façon tangible et incontestable le programme pastoral. Or l’évangile ne peut se lire comme la réalisation constatée d’un programme narratif. Certes Jésus, comme pasteur, se fait entendre et reconnaître de ses brebis. Il les conduit, les fait sortir, les nourrit, cherche la brebis égarée. Tout cela il le dit dans la parabole du bon pasteur. Et il le fait, ainsi que de nombreuses scènes évangéliques en témoignent. De plus il annonce qu’en définitive il les rassemblera en un seul troupeau avec d’autres brebis venues d’un autre enclos. Pourtant le contre-programme de ses opposants semble l’emporter. Et d’ailleurs lui-même l’annonce : le pasteur sera frappé et les brebis dispersées. Sa mort semble la sanction négative d’une généreuse tentative. Et l’on ne peut dire que la résurrection, pas plus que la Pentecôte ou le parcours des Actes des Apôtres, permettent de constater le rassemblement des brebis enfin réalisé.

Pourtant là même où le programme narratif échoue, le texte ouvre un parcours figuratif. Observons-le à partir d’un point particulièrement déconcertant du point de vue narratif. Jésus dit lui-même que le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. On entend le plus souvent qu’il consent à mourir (physiquement) pour elles. Mais la mort dont il s’agit ici engage autre chose qui passe souvent inaperçu. Une traduction plus précise du texte serait : le bon pasteur dépose sa vie (psyché) pour ses brebis. La langue française a du mal à fournir de quoi traduire le terme psyché. On pourrait dire qu’il s’agit de la vie telle qu’on se la représente. Déposant sa psyché Jésus ne cultive pas l’image que l’on peut avoir d’un pasteur de type messianique qui s’impose par la force. Cela va plus loin encore, comme le dira Paul dans la lettre aux Philippiens : Jésus n’a pas revendiqué comme une proie le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’anéantit lui-même, devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix. Il ne cultive pas le fantasme de « toute puissance ». Pas plus qu’il n’a voulu de la position du roi, ni du type de pouvoir-faire qui le caractérise sur cette scène des hommes. Il ne désire pas davantage la position ni le pouvoir d’un pasteur qui réduirait voleurs, bandits et autres mercenaires par la force. Son pouvoir ; le voici : Il a le pouvoir de déposer sa ‘psyché’ et de la reprendre. Il fait chuter l’imaginaire humain pour que la suppression de ce qui aveugle permette de le reconnaître comme l’icone du Père. C’est d’ailleurs du Père qu’il a reçu ce commandement. Jésus donne à interpréter sa propre mort comme passage au Père et ouvre la perspective d’une filiation autre, ignorée, refoulée, mais rendue : « Mes brebis écoutent ma voix, je les connais et elles viennent à ma suite. Et moi je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais et personne ne pourra les arracher de ma main. Mon Père qui me les a données est plus grand que tout et nul n’a le pouvoir d’arracher quelque chose de la main de mon Père »14

La figure de la pastorale articule divers éléments qui forment une chaîne signifiante. Aucun élément ne suffit à lui seul à signifier l’ensemble. Et l’ensemble ne saurait se réduire à une explication. Pourtant la chaîne signifiante oriente le désir du lecteur. Ainsi, parmi bien d’autres éléments, observons qu’à l’élément pasteur  (je suis le bon pasteur) le texte éprouve le besoin d’ajouter l’élément porte : (je suis la porte des brebis). A priori ce déplacement paraît nuire à la cohérence du propos sur l’identité de Jésus. Comment Jésus peut-il se dire pasteur et porte ? Pourquoi ne pas choisir l’un ou l’autre et s’y tenir ? A moins que cette manière de faire n’évite de se fixer sur une représentation unique de Jésus. L’introduction de l’élément porte laisse entendre que Jésus ouvre aux brebis un autre espace, une autre scène, celle ou précisément la question de la filiation est entendue. Pas une filiation non pas selon la chair, mais la filiation selon la Parole qui révèle le Père. Alors on comprendra plus loin que Jésus parle des brebis que lui donne le Père et qu’il dise aux juifs sourds à ses propres paroles : vous n’êtes pas de mes brebis. Le pasteur n’est pas celui qui instaure enfin un monde fraternel sur la terre, mais celui qui, élevé de terre, attire tout à lui, pour le présenter au Père. Aucun message ne saurait avoir une telle puissance d’attraction. Seule une voix, et celle du verbe fait chair, peut éveiller en chacun (appelé par son nom) la capacité de reconnaître la parole originaire qui l’a déjà appelé à la vie et sollicite maintenant sa liberté. L’appel par le nom peut s’entendre non pas comme la reconnaissance d’une identité donnée par le monde mais comme une nomination qui révèle une identité nouvelle. Cette voix se laisse entendre et reconnaître non pas à un signe, mais dans le murmure de la chaîne signifiante. La mort de Jésus, les épreuves de ses Apôtres après lui, et des croyants après eux, ne compromettent pas l’espérance que suscite la reconnaissance de la voix qui poursuit son chemin. De fait la voix appelle à une naissance dont on n’a pas encore idée, un peu à la manière dont la voix de sa mère et de ceux qui l’entourent, entendue comme à travers un voile, appelle à naître l’enfant en gestation qui ne peut se représenter ce qui l’attend, mais dont le désir déjà s’éveille.

Mais si Jésus est l’unique pasteur. S’il n’y a d’autre porte que lui. Si c’est sa voix et elle seule qu’il s’agit de reconnaître. Comment oser parler de pastorale et plus précisément de pasteurs à propos d’êtres humains et de leur agir ? La parabole indique la voie : elle invite le lecteur à se reconnaître en premier lieu dans la position de la brebis pour reconnaître, entendre et écouter Jésus (comme voix), puis pour passer par lui (comme porte). Ensuite, après la mort et la résurrection de Jésus, le texte ajoute un élément à la chaîne signifiante de la figure pastorale en faisant appel à Pierre. Pierre m’aimes-tu ?… paix mes brebis. Ce triple appel, comme de nombreux commentaires le soulignent, fait écho au triple reniement de Pierre, dans le même évangile. Loin de voir dans cette insistance un doute de Jésus à l’endroit de Pierre on peut y entendre la confirmation de l’appel, mais aussi l’assurance que le fondement de l’aptitude de Pierre à paître les brebis (non pas les siennes mais celle du Seigneur) n’est autre que le pardon toujours actif de Jésus. D’autre part il est regrettable que la traduction liturgique qui répète trois fois à l’identique la même phrase, ne fasse pas apparaître la variété des termes correspondants dans le texte grec. En effet le même verbe ‘aimer’ traduit deux verbes différents du texte grec (αγαπαω et φιλεω. Pierre n’a pas fini d’être travaillé dans sa manière d’aimer Jésus. Même après ce pardon au-delà de l’imaginable qu’a offert Jésus ressuscité à ses Apôtres, Pierre n’est pas établi dans une nouvelle forme de fusion imaginaire avec Jésus. La distance entre eux demeure à travailler, quoi qu’il en coûte à Pierre. Et l’abolir ferait obstacle à la Parole du fils unique. Seule en effet la voix du Verbe fait chair est en mesure d’éveiller en ses brebis ce qui lui appartient et d’attirer toute la création pour la récapituler en lui, en son corps de gloire. Quant à ceux qui bénéficient de la pastorale, le texte grec les désigne de deux noms différents : agneau ou parfois brebis. L’observation suffit au constat que le texte ne donne pas le moyen de désigner la relation entre Pierre, Jésus et ses brebis en termes univoques et limpides. Pierre ne reçoit pas de Jésus ressuscité le programme narratif du pasteur modèle, enfin édité, et qu’il s’agirait de mettre en œuvre. C’est en écoutant la voix, désormais à distance, que Pierre devra au jour le jour apprendre à vivre sa participation à la pastorale du Seigneur. Il le fera en l’aimant au jour le jour comme il conviendra et en tenant une place de pasteur en son nom auprès de ceux et celles qui lui appartiennent. Immédiatement après ce triple appel et avant de demander à Pierre : suis-moi !, Jésus lui laisse entendre que sa mort même fait partie du parcours par lequel il glorifiera Dieu.

Pour une pastorale orientée vers l’énigme du corps.

Mission impossible La figure de la pastorale renvoie sans équivoque à l’œuvre du Seigneur. Nous l’avons vu avec Pierre, la mission de celui qui est appelé à paître les brebis du Seigneur est impossible. Elle dépasse ses propres capacités. L’espace, le temps et l’acteur de la pastorale échappent à tout humain. C’est dans l’ébranlement des espaces-temps-acteurs de l’expérience humaine que se donne à entendre la voix qui appelle à naître. Comment dès lors entretenir une prétention de maîtrise de quelque espace temps ou acteur que ce soit. Dès lors, point de message, objet de savoir et objet valeur, à transmettre en vue d’assimilation, mais une voix à reconnaître et à entendre. Certains étant appelés au service de cette voix qui appelle et rassemble tous les humains. Toute pastorale et toute la pastorale se réfèrent chez les chrétiens à l’unique pasteur qu’est le Christ.

Attention, message ! S’il en est ainsi, que peut être la juste position de l’homme impliqué dans la pastorale, sinon d’abord celle de la brebis ? L’homme est, au principe, bénéficiaire de la pastorale du Seigneur. Cela implique la soumission à la voix, à la parole unique qui se reconnaît non pas seulement, ou d’abord, à son contenu mais à la vibration du corps dont elle vient, et qui attire à lui. Certes cette voix éveille en chacun la possibilité de parler à son tour. Cependant elle ne suscite pas seulement des sujets de la parole qui désormais vivraient leur vie libérés des sur-moi et autres discours. Ceux que cette voix a suscités, elle continue de les appeler. Ils ne sont pas seulement sujets de la parole, mais demeurent sujets à la parole. La voix appelle chaque brebis par son nom, c’est elle qui lui révèle son identité. Le pasteur délégué n’a pas tant à transmettre ce qu’il a reçu qu’à favoriser l’écoute, par chacun, de celui qui leur parle et les ensemence de la seule semence impérissable. Cette semence fait de ceux qui l’accueillent des fils qui consentent à être rassemblés en Jésus le Christ ce corps énigmatique qu’il annonce, animés par l’Esprit qui les fait appeler le Père en des gémissements ineffables.

Les tentations des « responsables ». Les tentations liées aux fonctions d’enseignant, de pasteur, de maître spirituel, ne cessent de resurgir. Par égard pour les brebis et leurs demandes (qui ne sont pas dépourvues d’imaginaire), les enseignants croient bon de leur donner du sens pour éviter l’anomie, les prêtres des objectifs pastoraux pour faire Eglise, les militants des projets pastoraux en vue de transformer le monde, les accompagnateurs spirituels des exigences pour une perfection personnelle, ou des conseils pour une bonne entente familiale et sociale. Bref là où il convient d’entendre la Parole dans sa liberté souveraine, là-même tendent à revenir des messages et des mots d’ordre pour mieux vivre la vie en ce monde.

Création et histoire Parmi les représentations qui piègent les pasteurs à leur insu il en est une d’autant plus prégnante qu’elle semble être d’inspiration biblique. Il est quasiment admis comme une évidence que le temps de la création est terminé après les premiers chapitres de la Genèse. Désormais le champ serait libre pour l’histoire, qu’il appartiendrait à l’homme de mener, dans la perspective de créer un monde fraternel avec l’aide de l’Esprit Saint. Dans cette perspective l’espace, le temps, les acteurs se rétrécissent à la mesure humaine. Quand la création cède la place à l’histoire, l’Esprit est instrumentalisé comme adjuvant de l’homme, la parole se fige en message, la chaîne signifiante en signe, l’énigme en sens, le corps promis en corps social. La tentation récurrente des acteurs de la pastorale n’est-elle pas de reverser la force de la Révélation au bénéfice du fantasme de l’humanité accomplie et d’un monde meilleur à construire ?

Lecture biblique comme lieu de vigilance. Face à cette tentation récurrente, une inspiration biblique de toute la pastorale est particulièrement requise. Toute religion, en tant qu’elle en appelle à un ailleurs susceptible de révéler quelque chose de ce qui échappe à l’homme, de ses origines, de sa fin, de ce qui le met en état d’incertitude, peut constituer une source de légitimation de discours et de pratiques les plus divers. Or le texte biblique n’est pas naïf quant à ces détournements. Mais encore faut-il ouvrir le livre, tout le livre, et le lire. En effet le détournement du rapport à l’Écriture en processus de légitimation s’appuie sur une série de glissements, dont chacun peut sembler anodin mais dont la somme est redoutable :

  • exaltation de la valeur du livre avant même sa lecture, ce qui lui confère autorité a priori (reconnaissance sans connaissance)
  • découpage dans le livre de passages et citations de sorte à les rendre conforme au discours ou à la pratique à légitimer (démembrement du corpus biblique)
  • appel à des interprètes supposés légitimes qui maintiennent les lecteurs en position de non-lecture (dépossession du savoir et du pouvoir lire)
  • imposition de savoir, de devoir faire en conséquences (manipulation symbolique).

La description peut sembler sévère. Il est pourtant plus difficile qu’il n’y paraît d’échapper à ce type de fonctionnement. Quel pasteur, catéchiste, animateur de réunion, de liturgie, ou de prière n’a été tenté de choisir dans le texte et plus largement dans le corpus biblique ce qui lui convient en écartant le reste ? Aucune intention manipulatrice n’est nécessaire pour cela. Pourtant quand le corpus biblique est en morceaux, le corps qui vient est compromis. Amputer le corpus éloigne du corps. Le recours au texte comme réserve de sens et de légitimation nourrit les luttes intestines de ce qu’il est convenu d’appeler le corps social, et contribue ainsi à le désarticuler. Alors que lire dénoue des liens de servitude et tisse les articulations nouvelles qui contribuent déjà à la croissance du corps promis. Faire la carte comparative des textes privilégiés par différents groupes et mouvements d’Eglise en repérant comment chacun tend à privilégier, parfois de façon quasi exclusive, tel livre du premier testament et tel Évangile parmi les quatre donne à penser. Mais le repérage des dysfonctionnements du recours au texte indique déjà le remède.

Il ne suffit donc pas de veiller à ce que des textes bibliques ‘figurent’ (au risque de la ‘figuration’) dans les programmes, réunions et liturgies des divers groupes et services de la pastorale. Encore faut-il que le livre soit respecté dans son intégralité et dans son intégrité, ouvert et lu. Alors, s’il est vrai qu’il porte la trace de la Parole, sa lecture est en mesure d’animer toute la pastorale notamment par la vigilance qu’elle suscite. Cette vigilance est biface. Elle permet de discerner les détournements possibles du texte et les contradictions des lecteurs que sa lecture révèle. Elle met en attente de ce et de celui qu’il annonce. L’un ne va pas sans l’autre. La lecture est sans cesse à gagner sur la tendance à l’appropriation/utilisation du texte. Le recours à la sémiotique offre la possibilité d’une vigilance, dans la mesure où elle invite à considérer le texte comme un ensemble signifiant qui ne nécessite pas pour sa lecture le recours aux conditions historiques et sociales de sa production. Et la sémiotique figurale incite à une observation non seulement du contenu du texte mais de la forme du contenu et notamment de l’énonciation15. Cette observation fait expérimenter l’altérité du texte. Il représente une butée sur laquelle viennent se briser les représentations d’eux-mêmes, des autres et de Dieu que se font les lecteurs. Des liens de servitude, des jugements se défont et des articulations nouvelles se présentent, dans la manière de penser, d’entrer en relation, d’agir, auparavant impensables ou impossibles, faisant espérer désormais l’avènement du corps promis.

Un chemin parmi d’autres

Comment tenir compte de telles réflexions dans l’exercice d’une responsabilité pastorale ? Je ne sais le dire autrement qu’en livrant quelques aspects de ma propre pratique. L’expression : animation biblique de toute la pastorale rejoint mon expérience d’une lecture biblique renouvelée par l’observation sans cesse reprise du texte. Ce fut et demeure capital pour ma propre oreille de brebis et pour la part à la pastorale que l’Eglise m’a confiée. Je cite rapidement quelques balises sur ce chemin au cours duquel j’ai éprouvé qu’en tout domaine pastoral oser lire féconde les diverses pratiques (accueil, écoute, entretien spirituel, catéchèse, catéchuménat, préparation et célébration des sacrements, participation à divers groupes et mouvements)16.

Le point de départ est d’être mis en présence d’un texte considéré comme un tout signifiant, ni soupçonné d’inauthenticité ni réputé incompréhensible sans informations sur le contexte de sa production. Cela ouvre un chantier précis et délimité. Une référence est posée entre lecteurs, résistant aux appropriations pour peu que l’on observe le texte avec précision. Butant sur l’altérité du texte, les représentations des lecteurs chutent, ouvrant un espace nouveau pour leurs attentes, laissant des traces et donnant le goût d’y revenir. Une chance s’offre pour que la voix ne soit brouillée par l’interférence de savoirs préétablis.

Revenir à des textes cent fois lus auparavant ne cesse de réserver des surprises. Aucune lecture ne saurait s’imposer comme l’interprétation dernière. Une confiance renouvelée dans le texte biblique m’est venue par là, qui de proche en proche a gagné tout le corpus, y compris les textes apparemment les plus rébarbatifs et les passages apparemment inadmissibles. Une part importante du ministère passe désormais par la confrontation avec des textes réputés difficiles en première lecture. Par là s’explicitent nos résistances et s’ouvrent des voies inédites. Cela passe souvent par un recours au texte hébreu ou grec, dont les traductions effacent trop souvent les éléments à partir desquels le lecteur peut construire les chaînes signifiantes.

En toute paroisse où je suis passé j’ai proposé une lecture biblique mensuelle d’un livre en continu (du premier ou du nouveau testament)17. La visée est d’honorer les deux tables de la parole et de l’eucharistie, de vivre une assemblée de lecture, comparable à l’assemblée eucharistique (régulière et indépendante de quelque service, groupe ou spiritualité que ce soit) et orientée vers l’assemblée eucharistique 18. Pratiquement il s’agit de groupes de lecture, réguliers et variant entre 4 et 40 personnes, sans autre objet que la lecture. Ces groupes proposent parfois à l’ensemble des paroissiens une assemblée de lecture d’un chapitre, à l’occasion d’une soirée de carême ou d’avent, dans l’église.

Mais se borner à proposer un groupe ou une assemblée de lecture ne suffit pas. Il convient de lire la bible en toute occasion pastorale, et de s’assurer de la qualité de cette lecture. Il est particulièrement utile et instructif d’oser lire avec des personnes des catégories réputées incapables de lire (petits enfants, adolescents que l’on dit parfois saturés d’évangile(!), personnes jugées peu intellectuelles, ignorantes les choses de la foi, handicapés, non-pratiquants, malades…19). Cette pratique suppose puis engendre la foi dans la capacité de toute personne à lire. Et il convient de ne pas leur donner un texte tronqué, expurgé des expressions qui fâchent, ou encore traduit de façon si simplifiée, sous prétexte de le mettre au niveau des lecteurs, qu’il est défiguré. La lecture est ainsi devenue un moment capital des rencontres de préparation à tout sacrement ou sacramental. Elle est décisive comme introduction et inspiration de toute séance du conseil pastoral et de l’équipe d’animation pastorale. Comment ces instances pourraient-elles remplir leur fonction de veille sans cette référence première ?

Dans le même temps une question de Jean Calloud qui date de plus de quinze ans continue de me travailler : « La pastorale paroissiale est-elle orientée par l’énigme du corps ? » La question a beau être… énigmatique, elle m’a immédiatement renvoyé au cœur de la célébration de l’eucharistie. Je ne peux plus entendre ni prononcer comme avant la demande : « Humblement nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps20 ». En effet là où était le livre est venu un corps, celui du Christ. Par lui, avec lui et en lui, le travail de création se poursuit. La parole ne cesse de se faire chair. L’avènement en nous et entre nous du corps promis se signifie et se reçoit dans les sacrements. Le fruit en mûrit quand s’inscrit l’amour d’agapé, la communion, au cœur de toute rencontre. Et ce qui nous en a été donné comme des arrhes, nous ne cessons de l’attendre dans son accomplissement.

De proche en proche la lecture biblique renouvelée nous rend attentifs à la voix qui nous appelle en un seul corps et fait passer nos vies et toute relation à l’épreuve de la mort et de l’amour, sans que jamais nous ne puissions nous prétendre parvenus au terme. De là peut découler une manière de penser l’articulation des services et activités d’une Eglise locale à partir de trois pôles : parole, eucharistie, frère21. Chaque activité, chaque service procéderait plus particulièrement d’un pôle, sans ignorer les deux autres. Il s’agit alors de veiller à ce que la pastorale de l’Eglise locale se fonde sur ce trépied ; qu’elle n’ignore aucun des trois pôles ; qu’aucun d’eux ne s’autonomise par rapport aux autres ; que la division du travail entre acteurs pastoraux n’aboutisse à une nouvelle forme de désarticulation du corps. Ce modèle permet également de veiller à la formation de ceux que l’on nomme animateurs pastoraux. En toute occasion pastorale, ils peuvent se laisser former par la voix dans une lecture renouvelée des textes bibliques figurant aux lectionnaires, conjuguée à une intelligence toujours approfondie des rites tels que les présentent les rituels et à l’accueil des fruits que cela porte dans les relations entre les personnes concernées.

Voilà pourrait-on penser, l’ébauche d’un modèle pour organiser l’animation biblique de toute la pastorale. Mais attention : le corps qui vient n’est pas un organisme ! Figer le modèle procèderait de la même tentation que mettre la main sur le sens ou prétendre être signe. La voix ne cessera d’appeler le pasteur ailleurs, de le déloger de son identité imaginaire pour l’appeler dans la condition de fils. Et, chemin faisant, quelqu’un lui passera la ceinture pour l’emmener là où il ne voudrait pas aller, ainsi qu’il est dit à Pierre par Jésus22. Si l’on en croit l’Evangile l’accomplissement de la pastorale passe par un genre de mort du pasteur qui glorifie Dieu en suivant le Seigneur. Les Actes des Apôtres sont sur le même chemin en témoignant du déplacement incessant des projets formés par Paul et ses frères, si étonnamment formulé dans l’expression : « L’esprit saint les en empêcha ! 23».

L’Esprit Saint sait où il va : qu’il nous rassemble en un seul corps !


1 Ce texte est un extrait remanié d’un article paru dans la revue Sémiotique et Bible sous le même titre. Il répondait à celui d’Anne Fortin intitulé «De l’animation biblique de toute la pastorale », titre reprennant à l’identique le sous-titre du n° 73 – dans l’exhortation apostolique Verbum Domini «De l’animation biblique de toute la pastorale ».

2 Luc 1, 39-56

3Elisabeth est la première à entendre la Parole, mais Jean fut le premier à ressentir la grâce. La mère a entendu selon l’ordre des choses, l’enfant a tressailli en raison du mystère ; elle a constaté l’arrivée de Marie, lui celle du Seigneur. Les deux mères prophétisent sous l’inspiration de leur enfant. Saint Ambroise  cité par Jean-Pierre Duplantier dans une homélie sur la visitation.

4 Alain Dagron : A l’épreuve des Evangiles Lectures des dimanches, Année C, pp. 25… Ed. Bayard 2006

5 Prière eucharistique n° 2

6 Ac 1, 6

7 J’éviterai également de parler de ‘corps ecclésial’ : l’Eglise, en tant que mystère, est corps du Christ, elle n’est pas un corps social parmi d’autres.

8 La description qui suit est tributaire de ma propre position de prêtre en paroisse en France dans le diocèse de Bordeaux.

9 Remarquons que dans la liste que Paul dresse en I Co 12 au service des membres du corps du Christ, de ceux que Dieu a placés dans l’Eglise : premièrement les apôtres, deuxièmement prophètes… ne figure pas le pasteur.

10 L’exhortation apostolique Verbum Domini opère un travail sur ces catégories en évitant de faire de la pastorale biblique un département parmi d’autres mais en la plaçant au cœur de toute la pastorale.

11 Nous nous référons désormais à la parabole du bon pasteur en Jn 10, reprise par l’appel de Jésus à Pierre de paître ses brebis en Jn 21, 15-19.

12 Elle apparaît dans le premier testament dès le début de la genèse, avec Abel, pasteur de petit bétail (Gn 4, 2), revient avec les patriarches, puis avec Moïse et Josué, pour culminer en David. Les Psaumes la reprennent. Les prophètes y ajoute l’élément : nouveau David. Le nouveau testament fait surgir un corps nouveau, celui de Jésus, le Christ, en qui s’accomplit la parole au sujet du pasteur.

13 Ez 34, 1 – 31.

14 Jn 10, 27 – 29

15 Cependant aucune approche du texte ne met définitivement à l’abri de la tendance à l’appropriation, qui ne cesse de revenir sous d’autres formes. La parole demeurera sans cesse à recevoir en renonçant aux tentatives de la prendre au mot pour s’en servir.

16 L’ordre dans lequel je les présente ici n’est pas forcément celui dans lequel elles se sont manifestées et j’en oublie sans doute qui marquent la route sans que j’en aie claire conscience.

17 Cette pratique, initiée par Jean-Pierre Duplantier à Bordeaux dans les années 70 a marcotté dans l’ensemble du diocèse de Bordeaux et en bien d’autres lieux.

18 Peut-être la diminution du nombre de prêtres, en France notamment, amènera-t-elle les chrétiens à mettre en place des assemblées de lecture et à en redécouvrir l’importance et le fruit. Toutefois il restera fondamental qu’elles ne se suffisent pas à elles mêmes et restent orientées, par la célébration eucharistique et le travail sur les relations interpersonnelles, vers l’énigme du corps.

19 La lecture biblique se pratique aussi avec des détenus, à l’intérieur même de la prison. Je la pratique tous les mardis dans un lieu où des personnes en situaation précaire (SDF, migrants, personnes aux faibles ressources) penvent trouver un repas de midi conséquent pour 1,50€, une épicerie solidaire, un vestiaire, un premier accueil en vue de démarches. Ceux qui le désirent viennent en un lieu attenant et distinct prendre un café, parler à bâtons rompus, puis, nous passons environ une heure à lire un texte biblique en relation avec le cycle liturgique.

20 Deuxième prière eucharistique.

21 Cf. Ac 2, 42 :Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières.

22 Jn 21, 18

23 Ac 16, 6 – 10Ils parcoururent la Phrygie et le territoire galate, le Saint Esprit les ayant empêchés d’annoncer la parole en Asie. Parvenus aux confins de la Mysie, ils tentèrent d’entrer en Bithynie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils traversèrent donc la Mysie et descendirent à Troas. Or, pendant la nuit, Paul eut une vision: un Macédonien était là, debout, qui lui adressait cette prière: « Passe en Macédoine, viens à notre secours! » Aussitôt après cette vision, nous cherchâmes à partir pour la Macédoine, persuadés que Dieu nous appelait à y porter la Bonne Nouvelle.